Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/622

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satisfaire à la demande, et celui qui questionne comme ne sachant pas choisir les gens qui peuvent l'éclairer. Rien n'est plus injurieux que cette précipitation, que cette hardiesse à devancer les autres dans leurs réponses. Se hâter de parler avant celui à qui a été adressée la question, c'est dire implicitement : « Pourquoi vous adresser à celui-ci ? Est-ce qu'il sait rien ! Quand je suis là, il ne faut consulter que moi sur ces matières. » Or bien souvent lorsque nous interrogeons quelqu'un, ce n'est pas que nous ayons besoin qu'il nous éclaire de sa parole : on provoque de sa part un mot affectueux, on veut simplement entrer en conversation, comme Socrate dans le Théétète et dans le Charmide. C'est comme si vous vous apprêtiez à embrasser un ami et qu'un autre accourût vous sauter au cou ; comme si vos regards se dirigeaient sur une personne et qu'un autre vînt s'interposer et les attirer sur lui. On fait précisément la même chose quand on répond avant celui qui est interrogé, quand on détourne les oreilles vers soi, quand on s'empare avec arrogance de l'attention à son profit exclusif. Il y a plus. Si celui qui est questionné se déclare incapable de répondre, il est de bon goût de se tenir sur la réserve. Tout en satisfaisant celui qui interroge on s'arrangera de manière à répondre comme si c'était un autre que lui qui fît la question, et ce sera une manière modeste et convenable de se rencontrer avec lui. D'ailleurs, quand on est interrogé, la réponse, fût-elle même une erreur, trouve naturellement de l'indulgence. Mais quand on prend sur soi de se substituer à celui qui est questionné et de prendre la parole avant lui, on déplaît si l'on dit bien ; et si l'on se trompe, c'est à la satisfaction de tous que l'on est l'objet d'une risée universelle.

[20] Il est un second point à observer pour les réponses adressées personnellement, et le bavard doit y apporter une très grande attention. À des questions faites dans un but de risée et de plaisanterie, on ne doit pas se laisser prendre ni répondre sérieusement. Il y a des gens qui, sans besoin,