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Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/625

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Donnez-moi le ton que je dois prendre, » dit Carnéade. À quoi l'autre répondit fort judicieusement : « Je vous donne celui de votre interlocuteur. » La mesure que doit garder la personne qui répond doit se régler en effet sur les volontés de celle qui interroge.

[22] Comme Socrate recommandait que l'on s'abstînt des mets qui excitent à manger quand on n'a pas faim et des breuvages qui font boire quand on n'a pas soif, de même l'homme enclin au bavardage doit redouter les sujets de conversation qu'il aime le mieux et dont il abuse à satiété. C'est comme un courant contre lequel il doit lutter. Les gens de guerre, par exemple, ont la manie de conter leurs campagnes. Ainsi Homère représente Nestor faisant le récit perpétuel de ses exploits et de ses aventures. Il est naturel aussi que ceux qui ont gagné un procès, qui, contre leur attente, ont réussi près d'un grand personnage ou d'un souverain, éprouvent, comme si c'était une maladie, le besoin constant de rappeler et de dire à tout propos comment ils sont entrés, comment on les a introduits, sur quoi a roulé le débat, quels arguments ils ont produits de manière à terrasser leur partie adverse ou leurs accusateurs, enfin quels éloges ils ont reçus. Car la joie est bien plus babillarde encore que l'Agrypnie des Comiques. Elle s'excite elle-même à chaque instant, et elle se trouve toujours fraîche quand il s'agit de recommencer ses histoires. Aussi les bavards se laissent-ils aller facilement à des conversations de ce genre, pour peu que l'occasion s'en présente. Ce n'est pas seulement

« À l'endroit douloureux que l'on porte la main. »

La satisfaction, aussi, trouve en elle-même une voix. Elle