Aller au contenu

Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/628

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il sera également très profitable aux bavards de fréquenter constamment des personnes meilleures et plus âgées qu'eux. La réputation de telles gens leur inspirera du respect : ils s'accoutumeront ainsi à garder le silence.

Enfin, à ces habitudes ils devront sans cesse joindre et associer celle de s'observer et de se dire : « Quelles sont ces paroles qui se pressent sur mes lèvres et veulent sortir de force ? Où prétend aller ma langue ? Que gagnerai-je à parler ? Que perdrai-je à me taire ? » Car il ne faut pas que la parole soit comme un fardeau accablant dont on veuille se débarrasser, puisque d'ailleurs elle subsiste encore, même prononcée. Que se proposent les hommes en parlant ? Ils parlent ou pour eux-mêmes et parce qu'ils ont besoin de quelque chose, ou bien parce qu'ils veulent être utiles à ceux qui les entendent, ou enfin pour se procurer un agrément réciproque et pour assaisonner par la conversation, comme par un sel agréable, les instants qu'ils se trouvent avoir à passer dans une demeure ou dans une occupation commune. Mais si ce que l'on va dire doit n'être ni utile pour celui qui parle, ni nécessaire pour celui qui écoute, s'il n'y a ni charme ni plaisir, à quoi bon parler ? La frivolité et le vide se trouve aussi bien dans les paroles que dans les actes.

Après tous ces avis, il m'en reste à donner un, qui les vaut tous. C'est que l'on ait toujours présente à la mémoire et comme sous la main cette parole de Simonide : « Qu'il s'était souvent repenti d'avoir parlé, jamais de s'être tu. » Oui : que l'on se dise que l'exercice triomphe de tout et qu'il exerce une action souveraine. Quand on s'observe et que l'on se fait violence on s'empêche de sangloter ou de tousser, mais l'effort est pénible et douloureux. Le silence a cet avantage que, pour parler avec Hippocrate, non seulement il est un préservatif contre la soif, mais encore il ne cause ni peine ni souffrance.