Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/127

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pouvait que lui attirer un refus mérité. Voyant que ces représentations et d’autres discours semblables n’avaient point ébranlé Marius, Metellus ajouta, « que, dès que les affaires publiques lui en laisseraient le loisir, il lui accorderait sa demande ». Marius ne cessant de réitérer les mêmes sollicitations, on prétend que le proconsul lui dit : « Qui vous presse de partir ? il sera assez temps pour vous de demander le consulat quand mon fils se mettra sur les rangs ». Or ce jeune homme, qui servait alors sous les yeux de son père, était à peine dans sa vingtième année (75).

Cette réponse enflamme encore plus Marius pour la dignité qu’il convoite, en l’irritant profondément contre son général. Dès ce moment, il n’a pour guides de ses actions que l’ambition et la colère, de tous les conseillers les plus funestes : démarches, discours, tous les moyens lui semblent bons (76) pour se concilier la faveur populaire : aux soldats qu’il commande dans leurs quartiers d’hiver, il accorde le relâchement de la discipline ; devant les marchands romains, qui se trouvaient en grand nombre à Utique, il ne cesse de parler de la guerre d’un ton à la fois frondeur et fanfaron : Qu’on lui donne seulement la moitié de l’armée, et en peu de jours il amènera Jugurtha chargé de chaînes ; le général traînait exprès la guerre en longueur, parce que, bouffi de vanité, orgueilleux comme un roi, il se complaisait dans le commandement. Ces discours faisaient d’autant plus d’impression sur ceux auxquels ils s’adressaient, que la durée de la guerre compromettait leur fortune : les gens pressés ne trouvent jamais qu’on aille assez vite (77).