Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/208

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cent, et sa condamnation fut l’ouvrage de Marius. 11 avait échappe au massacre de Vacca, « parce qu’il traitait, dit Plutarque, doucement et gracieusement les habitants d’icelle. » Metellus avait voté pour l’absoudre ; mais, son avis n’ayant pas prévalu, il fut obligé de prononcer l’arrêt de mort. L’innocence de Turpilius fut depuis reconnue. On conçoit la douleur de ses juges. Seul, le féroce Marius s’en réjouit. Il se vanta « d’avoir attaché au cou de Metellus une furie vengeresse, du sang de son hôte qu’il avait fait mourir à tort. » Metellus, selon Appien, fit mourir aussi tous les principaux habitants de Vacca.

(86). Allaient jusqu’à la démence.

Ce tableau énergique des angoisses de Jugurtha rappelle un passage de Télémaque (liv. III), dans lequel Fénelon a, sous le nom de Pygmahon, décrit, les terreurs continuelles dont Cromwell était obsédé. « Tout l’agite, tout l’inquiète, le ronge ; il a peur de son ombre : il ne dort ni nuit ni jour... On ns le voit presque jamais ; il est seul, triste, abattu, au fond de son palais ; ses amis mêmes n’osent l’aborder de peur de lui devenir suspects. Une garde terrible tient toujours des épées nues et des piques levées autour de sa maison. Trente chambres qui communiquent les unes aux autres, et dont chacune a une porte de fer et six gros verrous, sont le lieu où il se renferme : on ne sait jamais dans laquelle de ces chambres il couche, et on assure qu’il ne couchejamais deux nuits de suite dans la même, de peur d’y être égorgé, » etc. Après Fénelon, M. Villemain, dans la Vie de Cromwell, a retracé les mêmes particularités, et tout le morceau paraît le plus heureusement inspiré par Salluste : « Menacé par de continuels complots, effrayé de vivre au milieu des haines innombrables qu’il avait soulevées contre lui, épouvanté du prix immense que l’on pouvait attacher à sa mort, redoutant la main d’un ami, le glaive d’un émissaire de Charles ou d’un fanatique, il portait sous ses vêtements une cuirasse, des pistolets, des poignards, n’habitait jamais deux jours de suite la même chambre, craignait ses propres gardes, s’alarmait de la solitude, sortait rarement, par de brusques apparitions, au milieu d’une escorte nombreuse ; changeait et mêlait sa route, et, dans la précipitation de ses voyages, portait quelque chose d’inquiet, d ’irrégulier, d’inattendu, comme s’il avait toujours eu à déconcerter un plan de conspiration ou à détourner le bras d’un assassin. » Ces derniers traits s’appliquent plus particulièrement, comme imitation, à ce qu’ajoute Salluste, au chapitre LXXIV, sur l’affreuse situation d’esprit de Jugurtha.