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CONJURATION DE CATILINA

prendre facilement à ses piéges : car, selon le goût de leur âge qui dominait en eux, aux uns il procurait des courtisanes ; pour les autres il achetait des chiens et des chevaux ; enfin il ne ménageait ni l’or ni les plus honteuses complaisances pour les avoir dans sa dépendance et à sa dévotion. Quelques-uns, je le sais, en ont conclu que les jeunes gens qui fréquentaient la maison de Catilina n’y conservaient guère leur chasteté ; mais des conjectures tirées d’autres faits, sans qu’on pût alléguer rien de positif, avaient seules donné lieu à ce bruit.

XV. Et, en effet, livré dès son adolescence à d’affreux désordres, Catilina avait séduit une vierge de noble famille (32), puis une vestale (33), et commis maints excès également contraires aux lois et à la religion. Plus tard, il s’éprit d’amour pour Aurélia Orestilla, chez qui, hors la beauté, jamais honnête homme ne trouva rien de louable. Mais, craignant un fils déjà grand qu’il avait eu d’un premier mariage, Orestilla hésitait à l’épouser ; il tua, assure-t-on, ce fils, et il passe pour constant que, par la mort de ce fils, il ouvrit ainsi dans sa maison un champ libre à cet horrible hymen (34). Ce forfait, si je ne me trompe, a été l’un des principaux motifs qui lui firent hâter son entreprise : cette âme impure, ennemie des dieux et des hommes, ne pouvait trouver de repos ni dans la veille ni dans le sommeil, tant le remords faisait de ravages dans ce cœur bourrelé ! Son teint pâle, son affreux regard, sa démarche tantôt lente, tantôt précipitée, tout, en un mot, dans ses traits, dans l’expression de son visage, annonçait le trouble de son cœur.