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CONJURATION DE CATILINA

province, Pison fut tué, durant une marche, par quelques cavaliers espagnols de son armée. Il en est qui prétendent que ces barbares n’avaient pu supporter l’injustice, la hauteur, la dureté de son commandement : selon d’autres, ses cavaliers, anciens et dévoués clients de Cn. Pompée (46), avaient exécuté ses ordres en massacrant Pison ; et jamais jusqu’alors les Espagnols n’avaient commis un tel attentat, bien que par le passé ils eussent eu beaucoup à souffrir du despotisme et de la cruauté. Pour nous, laissons ce fait dans le doute : en voilà assez sur la première conjuration.

XX. Catilina, voyant rassemblés ceux que j’ai nommés tout à l’heure, bien qu’il eût eu avec chacun d’eux de longues et fréquentes conférences, n’en croit pas moins utile de leur adresser une exhortation en commun. Il les conduit dans l’endroit le plus retiré de sa maison ; et là, sans témoins, il leur tient ce discours :

« Si votre courage (47) et votre dévouement m’étaient moins connus, en vain une occasion favorable se serait présentée ; en vain de hautes espérances et la domination seraient entre mes mains ; et moi je n’irais pas, me confiant à des hommes faibles et sans caractère, poursuivre l’incertain pour le certain. Mais souvent, et dans des circonstances décisives, j’ai reconnu votre énergie et votre dévouement à ma personne ; j’ai donc osé concevoir l’entreprise la plus vaste et la plus glorieuse : d’ailleurs, prospérités et disgrâces, tout entre nous, vous me l’avez prouvé, est commun ; car avoir les mêmes volontés, les mêmes répugnances, voilà ce qui constitue une amitié solide.