Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/26

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de pensée et de style de Salluste ne sont pas précisément celles qui conviennent le mieux à l’éloquence ; Quintilien observe justement que le style rapide et coupé qui domine dans ses compostions oratoires n’est pas celui qu’il faut au barreau, et il fait aux orateurs un précepte de ne le pas suivre. J’accepte donc, dans une certaine mesure, le reproche adressé à ces harangues : oui, elles n’ont pas l’abondance, l’éclat, le mouvement des discours de Tite-Live ; mais, dénuées de naturel dans la forme, elles sont vraies dans le fond. Assurément Marius n’eut pas donné à ses phrases la précision savante que leur donne Salluste, mais des pensées que lui prête l’historien, des sentiments qu’il lui fait exprimer, il n’eut rien désavoué. Aux paroles de Catilina, on reconnaît le tribun, ami de Clodius. Un reproche plus sérieux a été fait à Salluste, ainsi qu’à Tite-Live, sur l’excessive longueur de leurs harangues ; et ce reproche, ce sont deux historiens, Trogue Pompée et Vopiscus, qui le leur ont adressé [1]. Il vaut d’être examiné.

Les harangues sont-elles un hors-d’œuvre dans les grands historiens de l’antiquité ? Telle est, en d’autres termes, la question qui se cache sous l’observation de Trogue Pompée, reproduite par Vopiscus.

Il y a, il faut le reconnaître, dans l’usage que les historiens font des harangues directes comme un luxe d’éloquence scolastique que n’accepte guère notre goût moderne, un de ces mensonges de l’art que, jusqu’à un certain pont, la raison peut blâmer. Mais, ceci une fois accordé, la vérité, une vérité profonde, est au fond de ces harangues. On s’est de nos jours beaucoup attaché à mettre dans l’histoire ce que l’on en appelle la philosophie. Je ne sais, mais il me semble que ce n’est pas la une découverte absolument nouvelle, et que

  1. Pompeius Trogus in Livio et Sallustio reprehendit, quod conciones directas… operi sua interserendo historiae modum excesserint. Justin, lib. XXXVIII, c. III ; Vopiscus, Vie d’Aurélien.