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SALLUSTE.

la nature ou l’habitude a mis d’intrépidité au cœur d’un homme, il le déploie à la guerre. Celui que ni la gloire ni les dangers ne peuvent enflammer d’ardeur, vous l’exhortez en vain ; la crainte ferme ses oreilles. Je ne vous ai donc convoqués que pour vous donner quelques avis, et en même temps pour vous exposer le motif du parti que j’ai embrassé.

Vous ne savez que trop, soldats, combien la lenteur et la lâcheté de Lentulus ont été fatales et à nous et à lui-même ; et comment, tandis que j’attendais des renforts de Rome, je me suis vu fermer le chemin de la Gaule. Maintenant quelle est la situation de nos affaires ? Vous l’appréciez tous comme moi. Deux armées ennemies, l’une du côté de Rome, l’autre du côté de la Gaule, s’opposent à notre passage. Garder plus longtemps notre position, quand même telle serait notre volonté, le manque de blé et d’autres approvisionnements nous en empêche. Quelque part que nous voulions aller, c’est le fer à la main qu’il faut nous frayer une route.

Je vous y exhorte donc : montrez-vous braves et intrépides ; et, quand vous engagerez le combat, souvenez-vous que fortune, honneur, gloire, et, de plus, liberté et patrie, tout repose dans vos mains (131). Vainqueurs, tout s’aplanit devant nous (132) : nous aurons des vivres en abondance ; les colonies, les municipes, nous seront ouverts. Si la peur nous fait reculer, tout se tournera contre nous : aucun asile, aucun ami, ne protégera celui que ses armes n’auront point protégé. Considérez en outre, soldats, que l’ennemi n’est pas soumis à l’empire de la nécessité qui nous presse ; nous, c’est pour