Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/387

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Attendez-vous qu’avec une armée, qui pour la seconde fois menacera vos murs, il se rende, le fer et la flamme à la main, maître de la ville ? Et, au point où il en est, n’a-t-il pas, pour en venir à cette extrémité, moins de chemin à faire qu’il n’en avait pour passer de la paix à la guerre civile, que contre toutes les lois divines et humaines il a allumée, non pour venger ses propres injures, ni ceux qu’il feint de protéger, mais pour renverser les lois et la liberté ? Dévoré, tourmenté par l’ambition, par l’effroi de ses crimes ; inconsidéré, inquiet, sans suite dans ses projets, il craint le repos et redoute la guerre ; il prévoit qu’il lui faudra renoncer à ses dissolutions, à ses désordres ; et, en attendant, il profite de votre inaction.

V. Est-ce, chez vous, crainte, abattement ou démence, je ne le saurais dire, car chacun, à la vue des maux qui vont fondre sur nous, semble, comme s’il s’agissait de la foudre, désirer de n’être pas atteint ; mais, s’en garantir, aucun n’y songe. Considérez, je vous prie, combien les choses ont changé. Autrefois c’était en secret que se tramaient les complots contre l’État, ouvertement qu’on les réprimait ; ainsi les gens de bien prévenaient facilement les desseins des méchants. Aujourd’hui la paix et l’union sont troublées ouvertement, et l’on se cache pour les défendre ; les perturbateurs sont en armes, vous dans la crainte.

Qu’attendez-vous ? rougiriez-vous ou craindriez-vous de bien faire ? Seriez-vous touchés des décrets de Lepidus, lui qui veut que l’on restitue à chacun son bien, et qui retient celui d’autrui ; que l’on abroge les lois dictées par la violence, et qui nous dicte les siennes les armes à la main ; que l’on rende le droit de cité, lui qui prétend qu’il n’a pas été ravi ; et que, pour ramener la concorde, on rétablisse dans ses prérogatives cette puissance tribunitienne, qui fut le flambeau de toutes nos discordes ?

VI. Homme détestable et sans pudeur ! quel souci prends-tu donc de la