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Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/68

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SALLUSTE.

des parents, comme des alliés. En me conduisant d’après ces maximes, je devais trouver dans votre amitié une armée, des richesses, et l’appui de ma couronne. Je me disposais à suivre ces leçons de mon père, lorsque Jugurtha, l’homme le plus scélérat que la terre ait porté, m’a, au mépris de votre puissance, chassé de mes États et de tous mes biens, moi, le petit-fils de Masinissa, moi, l’allié et l’ami héréditaire du peuple romain.

Sénateurs, puisque je devais descendre à ce degré d’infortune, j’aurais voulu pouvoir solliciter votre secours plutôt par mes services que par ceux de mes ancêtres, et surtout avoir droit à votre appui sans en avoir besoin ou du moins, s’il me devenait nécessaire, ne le réclamer que comme une dette. Mais, puisque l’innocence ne peut se défendre par elle-même, et qu’il n’a pas dépendu de moi de faire de Jugurtha un autre homme, je me suis réfugié auprès de vous, sénateurs, avec le regret bien amer d’être forcé de vous être à charge avant de vous avoir été utile.

D’autres rois, après avoir été vaincus par vos armes, ont obtenu votre amitié, ou dans leurs périls ont brigué votre alliance. Notre famille, au contraire, s’unit au peuple romain pendant la guerre de Carthage, alors que l’honneur de votre amitié était plus à rechercher que votre fortune. Vous ne voudrez pas, sénateurs, qu’un descendant de cette famille, qu’un petit-fils de Masinissa, réclame vainement votre assistance. Quand, pour l’obtenir, je n’aurais d’autre titre que mon infortune, moi monarque, puissant naguère par ma naissance, ma