Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mois je suis assiégé par ses troupes, moi, l’ami et l’allié du peuple romain ! Ni les bienfaits de Micipsa mon père, ni vos décrets, ne me protègent contre sa fureur. Pressé par ses armes et par la famine, je ne sais ce que je dois le plus appréhender. Ma situation déplorable m’empêche de vous en écrire davantage au sujet de Jugurtha. Aussi bien ai-je déjà éprouvé qu’on a peu de foi aux paroles des malheureux. Seulement, je n’ai pas de peine à comprendre qu’il porte ses prétentions au delà de ma perte ; car il ne peut espérer d’avoir à la fois ma couronne et votre amitié : laquelle des deux lui tient le plus au cœur ? C’est ce qu’il ne laisse douteux pour personne. Il a commencé par assassiner mon frère Hiempsal ; il m’a chassé ensuite du royaume de mes pères. Sans doute, nos injures personnelles peuvent vous être indifférentes : mais c’est votre royaume que ses armes ont envahi ; c’est le chef que vous avez donné aux Numides qu’il tient assiégé. Quant aux paroles de vos ambassadeurs, mes périls font assez connaître le cas qu’il peut en faire. Quel moyen reste-t-il, si ce n’est la force de vos armes, pour le faire rentrer dans le devoir ? Certes, je voudrais que tout ce que j’allègue dans cette lettre, et tout ce dont je me suis plaint devant le sénat, fussent de vaines chimères, sans que mes malheurs attestassent, la vérité de mes paroles ; mais, puisque je suis né pour être la preuve éclatante de la scélératesse de Jugurtha, ce n’est plus aux infortunes qui m’accablent que je vous supplie de me soustraire, mais à la puissance de mon ennemi et aux tortures qu’il me prépare. Le royaume de Numidie vous appartient, disposez-en à votre gré ; mais, pour ma personne, arrachez-la aux mains impies de Jugurtha. Je