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Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/88

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sanctionner une telle prévarication ou annuler le décret du consul. Le grand crédit de Scaurus, qu’on savait être le conseil et le complice de Bestia, les détournait surtout de se déclarer pour la raison et pour la justice.

Cependant, à la faveur des hésitations et des lenteurs du sénat, C. Memmius, dont j’ai déjà fait connaître le caractère indépendant et la haine contre la puissance des nobles, anime par ses discours le peuple à faire justice. Il l’exhorte à ne point déserter la cause de la patrie et de la liberté ; il lui remet sous les yeux les attentats multipliés et l’arrogance de la noblesse ; enfin il ne cesse d’employer tous les moyens d’enflammer l’esprit de la multitude. Comme à cette époque l’éloquence de Memmius eut beaucoup de renom et d’influence, j’ai jugé convenable de transcrire ici (15) quelqu’une de ses nombreuses harangues, et j’ai choisi de préférence celle qu’il prononça en ces termes devant le peuple, après le retour de Bestia :

XXXI. « Que de motifs m’éloigneraient de vous, Romains, si l’amour du bien public ne l’emportait : la puissance d’une faction, votre patience, l’absence de toute justice, surtout la certitude que la vertu a plus de périls que d’honneurs à attendre. J’ai honte, en effet, de dire combien, depuis ces quinze dernières années, vous avez servi de jouet à l’insolence de quelques oppresseurs, avec quelle ignominie vous avez laissé périr sans vengeance les défenseurs de vos droits, à quel excès de bassesse et de lâcheté vos âmes se sont abandonnées. Aujourd’hui même, que vous avez prise sur vos ennemis, vous ne vous réveillez pas. Vous tremblez encore devant ceux qui de-