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Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/90

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quelque repentir ? Ils se montrent insolemment à vos regards tout brillants de magnificence, faisant parade, les uns de leurs consulats et de leurs sacerdoces, les autres de leurs triomphes, comme s’ils avaient lieu de s’honorer de ces distinctions usurpées. Des esclaves achetés à prix d’argent n’endurent point les mauvais traitements de leurs maîtres, et vous, Romains, nés pour commander, vous supportez patiemment l’esclavage !

Mais que sont-ils donc, ceux qui ont envahi la république ? Des scélérats couverts de sang, dévorés d’une monstrueuse cupidité ; les plus criminels et en même temps les plus orgueilleux de tous les hommes. Pour eux, la bonne foi, l’honneur, la religion, la vertu, sont, tout comme le vice, des objets de trafic. Les uns ont fait périr des tribuns du peuple ; les autres vous ont intenté d’injustes procédures ; la plupart ont versé votre sang, et ces excès sont leur sauvegarde : plus ils sont criminels, plus ils se voient en sûreté. Cette terreur, que devait leur inspirer le sentiment de leurs propres forfaits, ils l’ont, grâce à votre lâcheté, fait passer dans vos âmes. Chez eux, mêmes désirs, mêmes haines, mêmes craintes : voilà ce qui les fait agir tous comme un seul homme ; mais si une pareille union constitue l’amitié entre les honnêtes gens, elle devient conspiration entre les méchants.

Si vous étiez aussi zélés pour votre liberté qu’ils ont d’ardeur pour la tyrannie, la république ne serait certainement pas, comme aujourd’hui, livrée à la déprédation, et les faveurs que donnent vos suffrages redeviendraient le prix de la vertu, et non plus de l’audace. Vos ancêtres, pour conquérir les droits et fonder la dignité de leur ordre, firent scission en armes et