Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/93

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le bien que le mal : l’homme vertueux qu’on néglige devient seulement moins zélé ; le méchant en devient plus audacieux. Considérez enfin que prévenir l’injustice, c’est le moyen de n’avoir que rarement besoin de secours contre ses atteintes ».

XXXII. Par de tels discours souvent répétés, Memmius détermine le peuple à envoyer L. Cassius, alors prêteur (17), vers Jugurtha, que, sous la garantie de la foi publique, il amènerait à Rome. On espérait que les dépositions de ce monarque ne manqueraient pas de jeter du jour sur les prévarications de Scaurus et des autres sénateurs accusés d’avoir reçu de l’argent. Tandis que ceci se passe à Rome, les chefs à qui Bestia avait laissé le commandement de l’armée de Numidie, commettaient, à l’exemple de leur général, une foule d’excès odieux. Les uns, séduits par l’or, rendirent à Jugurtha ses éléphants ; d’autres lui vendirent ses transfuges ; plusieurs pillèrent les provinces avec lesquelles nous étions en paix : tant la contagion de l’avarice avait infecté toutes les âmes !

La proposition de Memmius ayant été adoptée, à la grande consternation de toute la noblesse, le prêteur Cassius alla trouver Jugurtha. Malgré les terreurs de ce prince et les justes défiances que lui inspiraient ses remords, Cassius réussit à lui persuader, puisqu’il s’était rendu au peuple romain, de s’en remettre à sa clémence plutôt que de provoquer sa colère. Il lui engagea d’ailleurs sa propre foi, qui n’était pas de moindre poids, aux yeux de Jugurtha, que la foi publique : tant était grande alors l’opinion qu’on avait de la loyauté de Cassius !