Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/95

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par argent, comme je l’ai dit ci-dessus, ordonna au prince de garder le silence. Bien que la multitude, indignée, s’efforçât d’effrayer Bébius par ses clameurs, par ses regards, souvent même par ses gestes menaçants, enfin par tous les emportements que suggère la fureur, l’impudence du tribun l’emporta cependant. Le peuple ainsi joué (18) se retire ; Jugurtha, Bestia et tous ceux qu’avaient inquiétés les poursuites reprennent une nouvelle assurance.

XXXV. Il se trouvait alors à Rome un Numide nommé Massiva, fils de Gulussa et petit-fils de Masinissa. Il avait, dans la querelle des princes, pris parti contre Jugurtha, puis, après la reddition de Cirta et la mort d’Adherbal, quitté l’Afrique en fugitif. Spurius Albinus, qui, avec Q. Minucius Rufus, venait de succéder à Calpurnius Bestia dans le consulat, engage le prince à profiter de sa qualité de descendant de Masinissa, de la haine publique et des terreurs qui poursuivent Jugurtha, pour demander au sénat la couronne de Numidie. Impatient d’avoir une guerre à conduire, le consul aurait tout bouleversé plutôt que de languir dans l’inaction. La province de Numidie lui était échue, et la Macédoine à Minucius. Dès les premières démarches de Massiva, Jugurtha sentit qu’il trouverait peu de support chez ses amis ; les remords, le trouble des uns, la mauvaise réputation des autres, les craintes de tous, leur ôtaient la faculté d’agir. Il charge donc Bomilcar, son parent, qui lui était entièrement dévoué, de gagner, à force d’or, sa ressource ordinaire, des assassins pour faire périr Massiva, en secret, s’il était possible ; sinon, de toute autre manière.