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Page:Œuvres complètes du Marquis de Sade, tome 14 - Dialogue entre un prêtre et un moribond, 1973.djvu/13

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LE MORIBOND.

Qui te dit le contraire ?

LE PRÊTRE.

Et qui peut régler tout comme il l’est, si ce n’est une main toute puissante et toute sage ?

LE MORIBOND.

N’est-il pas nécessaire que la poudre s’enflamme quand on y met le feu ?

LE PRÊTRE.

Oui.

LE MORIBOND.

Et quelle sagesse trouves-tu à cela ?

LE PRÊTRE.

Aucune.

LE MORIBOND.

Il est donc possible qu’il y ait des choses nécessaires sans sagesse, et possible, par conséquent, que tout dérive d’une cause première, sans qu’il y ait ni raison ni sagesse dans cette première cause.

LE PRÊTRE.

Où en voulez-vous venir ?

LE MORIBOND.

À te prouver que tout peut être ce qu’il est et ce que tu le vois, sans qu’aucune cause sage et raisonnable le conduise, et que des effets naturels doivent avoir des causes naturelles, sans qu’il soit besoin de leur en supposer d’antinaturelles, telle que le serait ton dieu qui lui-même, ainsi que je te l’ai déjà dit, aurait besoin d’explication, sans en fournir aucune ; et que par conséquent dès que ton dieu n’est bon à rien, il est parfaitement inutile ; qu’il y a grande apparence que ce qui est inutile est nul et que tout ce qui est nul est néant. Ainsi, pour me convaincre que ton dieu est une chimère, je n’ai besoin d’aucun autre raisonnement que celui que me fournit la certitude de son inutilité.