Aller au contenu

Page:Œuvres complètes du Marquis de Sade, tome 14 - Dialogue entre un prêtre et un moribond, 1973.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE PRÊTRE.

Quelle interprétation. ?

LE MORIBOND.

La voici Créé par la nature avec des goûts très vifs, avec des passions très fortes ; uniquement placé dans ce monde pour m’y livrer et pour les satisfaire, et ces effets de ma création n’étant que des nécessités relatives aux premières vues de la nature ou, si tu l’aimes mieux, que des dérivaisons essentielles à ses projets sur moi, tous en raison de 8es lois, je ne me repens que de n’avoir pas assez reconnu sa toute-puissance, et mes uniques remords ne portent que sur le médiocre usage que j’ai fait des facultés (criminelles selon toi, toutes simples selon moi) qu’elle m’avait données pour la servir. Je lui ai quelquefois résisté, je m’en repens ; aveuglé par l’absurdité de tes systèmes, j’ai combattu par eux toute la violence des désirs que j’avais reçus par une inspiration bien plus divine, et je m’en repens ; je n’ai moissonné que des fleurs, quand je pouvais faire une ample récolte de fruits. Voilà les justes motifs de mes regrets ; estime-moi assez pour ne m’en pas supposer d’autres.

LE PRÊTRE.

Où vous entraïnent vos erreurs, où vous conduisent vos sophismes ! Vous prêtez à la chose créée toute la puissance du créateur, et ces malheureux penchants qui vous ont égaré, vous ne voyez pas qu’ils ne sont que des effets de cette nature corrompue, à laquelle vous attribuez la toute-puissance.

LE MORIBOND.

Ami, il me paraît que ta dialectique est aussi fausse que ton esprit. Je voudrais que tu raisonnasses plus juste, ou que tu me laissasses mourir en paix. Qu’entends-tu par créateur, et qu’entends-tu par la nature corrompue ?

LE PRÊTRE.

Le créateur est le maître de l’univers, c’est lui qui a tout fait, tout créé, et qui conserve tout par un simple effet de sa toute-puissance.