qu’un Roi de l’Asie, encore plus grand par la sagesse que par sa puissance, avoit un fils unique que, par un article d’un Traité de paix, il avoit été obligé de marier fort jeune : ce fils avoit mille vertus ; c’étoit le Prince de la plus grande espérance : mais il avoit un défaut qui déparoit tout ; c’est qu’il ne daignoit s’humaniser avec personne ; c’est qu’il avoit une si superbe idée de sa condition, qu’il auroit cru se déshonorer par le commerce des autres hommes, & qu’il les regardoit comme de viles créatures, qu’il traitoit doucement, parce qu’il étoit bon ; mais qui n’existoient que pour le servir, que pour lui obéir, & à qui il ne pouvoit décemment parler que pour leur apprendre ses volontés, sans y souffrir de réplique ; car la moindre discussion lui paroissoit familiere & hardie, & il sçavoit l’arrêter par un regard, ou par un mot qui fesoit rentrer dans le néant dont on osoit sortir devant lui.
Ah ! la triste & ridicule façon de vivre ! je prévois la fin de l’histoire : ce Prince-là mourut d’ennui.
Non ; son orgueil le soutenoit, il lui tenoit