Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/126

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Je te vois puérile et chaste, et je devine
À ton sourire tes extases d’autrefois.
Les cantiques anciens résonnent dans ta voix,
Tu gardes dans tes yeux un peu d’ombre divine.

N’est-ce pas que là-bas, en de mystiques soirs,
Comme moi tu songeas à des choses célestes ?
Pour toujours maintenant, ô sombre sœur, tu restes
Celle qui mit des lys aux arcs des reposoirs.

Et peut-être souvent ta tête appesantie
S’endort sur mon épaule en regrettant le ciel,
Et mes lèvres d’amant n’ont pas assez de miel
Pour vaincre la saveur de la première hostie.

Tous les deux, nous avons trop longtemps contemplé
Les nuages en fuite et les roses du cloître,
Notre puissant amour pourra durer et croître,
Notre cœur restera divinement troublé.

Peut-être expions-nous l’ivresse merveilleuse
D’avoir rêvé jadis à des pays meilleurs ?
Nous sommes les amants tristes parmi les fleurs
Et même le bonheur ne te fait pas joyeuse.

Décembre 1889.