Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/256

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courrier ; il est midi, et ni M. Le Gâvre, qui est si actif, ni M. Solane, qui redoute toujours des malheurs inattendus, ne sont venus voir ce qui se passait au bureau. L’employé commence à craindre. Il quitte son fauteuil, il s’approche des vitrines et jette vers la place des regards suppliants comme pour évoquer ses patrons. Enfin les voici. Ils viennent en gesticulant, avec un air extraordinairement joyeux ; ils ont ouvert la porte ; ils entrent. Solane, sans parler, sans rien regarder, ivre de pensées heureuses, va s’asseoir dans l’arrière-boutique. Et comme l’employé offre des livres, des comptes à examiner, veut narrer une vente qu’il a faite, Le Gâvre l’arrête tout de suite : « C’est bien, c’est bien, vous avez eu raison. » Pourtant Le Gâvre s’est décidé à voir quelques papiers ; les mains ouvertes et tendues comme des mains qui tâtent dans l’ombre, il s’approche d’un bureau où des dossiers sont épars. Il en prend un, semble le feuilleter. Puis des papiers multicolores l’attirent. Ce sont des feuilles d’impositions, avis, sommations, commandement. Il les soulève vers lui et leur rit naïvement comme s’ils contenaient d’heureuses nouvelles. Un brouillard de joie lui cache les