Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/266

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jardins presque abandonnés, des jardins aux herbes puissantes et violentes, triomphent autour de ces hôtels. Et pour les habitants qui ne possèdent pas de jardins, la ville a une promenade charmante et sauvage, une fière avenue de hêtres et d’ormes qui longe les remparts du côté de l’occident.

Cependant les habitants de Ruvigny, lorsqu’ils se promènent, le soir, sous ces arbres plantés par des ancêtres oubliés, ont, comme d’autres citoyens, des conversations sérieuses et modernes. Si dans le ciel merveilleux et changeant meurent des lumières heureuses, si les ramures sont empourprées mystérieusement de sang crépusculaire, les promeneurs ne s’attardent guère à contempler ces futiles spectacles. Ils s’entretiennent activement des affaires locales et des événements politiques. Ils pérorent, argumentent, discutent, se racontent volontiers les uns aux autres des anecdotes scandaleuses. Quelquefois, les scandales étant rares, on a dû y suppléer par la calomnie. Mais ce moyen, toujours un peu pénible pour les honnêtes gens, n’a jamais été employé que dans les cas d’urgence. D’ailleurs les habitants de Ruvigny ne sont pas de ces provinciaux