Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/283

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Joël reculait. Il lui semblait que ce bras, dur et noir, lèverait ainsi de lourds merlins sur des têtes humaines, et l’enfant n’osait plus rien dire à l’ouvrier forgeron, dans l’atelier où s’accomplissait la quotidienne besogne. Il rêvait de crânes ouverts et laissant fluer des cervelles.

Quand il fut plus grand, il voulut lire l’histoire, la véritable histoire de la guerre. Il se procura toutes sortes de livres, il lut surtout avec avidité les récits de médecins et d’ambulanciers. Il songeait beaucoup à la guerre. Maintenant, presque adolescent, il lisait des journaux ; il savait les préparatifs, les armements ; il voyait que tout le monde acceptait, comme un article de foi, la nécessité des luttes futures. Mais il ne s’ouvrit nullement aux idées de revanche. Lorsqu’il songeait à cela, il ne voyait pas les armées parées de pompe et de splendeur. Même les ardentes musiques de cuivre et les glorieuses fanfares, parfois entendues sur les routes lointaines, ne purent l’émouvoir joyeusement. Il voyait en ses rêves des soldats boueux et sanglants, des cuirassiers écrasés sous leurs chevaux, des plaines mornes où s’étalaient des charognes dans le croupissement des eaux vertes ; il allait en rêve parmi