Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/86

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Mais tandis que là-bas se levait sur les villes
La mauvaise lueur des temples embrasés,
La vierge allait cherchant, parmi les races viles,
Le fabuleux amant digne de ses baisers.

Elle apparut un soir, blanche et mystérieuse,
Dans le mois où la faux couche les blés épais ;
Et de très loin, vers la foule laborieuse,
Tendit ses douces mains comme des fleurs de paix.

Elle gardait dans ses cheveux et dans ses voiles
Un long parfum de gloire et de divinité,
Et, pour avoir dormi sous de saintes étoiles,
Son corps entier était pénétré de clarté.

Elle vient et déjà de merveilleux murmures
Ont réveillé comme autrefois les bois ombreux :
Appels de chèvrepieds gorgés de grappes mûres,
Près des nymphes riant dans les fleuves heureux.

Des voix ont dit des noms oubliés de guerrières,
D’ineffables syrinx soupirent dans les airs,
Le vent porte des bruits antiques de prières,
Une ombre olympienne emplit les cieux déserts.

Et la vierge, attendant de glorieux éphèbes,
S’offre splendide et nue aux baisers triomphaux.
Alors les chefs et les vieillards gardiens des glèbes
La repoussent avec des bâtons et des faux.