Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/253

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Il faut avoir soin de diriger de très bonne heure tout le plan de l’éducation vers l'état ou le genre de vie auquel on destine les enfants, et faire soi-même ce choix pour eux, car, dans cet âge si tendre, ils sont plus souples et plus dociles. Il n’est pas même absolument nécessaire de régler ce choix sur leurs dispositions naturelles, en supposant qu’ils réussiraient mieux dans le genre pour lequel ils ont le plus d'inclination. Cependant, lorsqu'on voit dans un enfant une aptitude et une facilité extraordinaire pour certains genres d’études, d’exercices ou d’occupations, il faut alors suivre ces indications, au lieu de contrarier la nature et le penchant qui les y porte. Mais, généralement parlant, le plus judicieux précepte à cet égard est celui-ci « Choisissez toujours le meilleur, puis l’habitude le rendra agréable et facile. »

Parmi les enfants, ce sont ordinairement les cadets qui deviennent les meilleurs sujets, mais rarement (pour ne pas dire jamais) ils réussissent lorsqu'on à en leur faveur déshérité leurs aînés.

VIII — Mariage, célibat.

Celui qui a une femme et des enfants a donné des otages à la fortune, car ce sont autant d’entraves et d’obstacles aux grandes entreprises, soit que la vertu ou le vice nous porte à ces desseins Quoi qu’il en soit, il n’est pas douteux que les plus beaux ouvrages et les plus utiles établissements n’aient été faits par des célibataires ou par des hommes qui, n'ayant point d’enfants, avaient pour ainsi dire épousé le bien public auquel ils avaient voué toutes leurs affections. Il semblerait toutefois, à la première vue, que ceux qui ont des enfants devraient s’occuper avec plus de sollicitude de cet avenir auquel ils doivent pour ainsi dire transmettre ces gages si chers, et l’on voit en effet assez de célibataires dont toutes les pensées se terminent à leur seul individu, et qui regardent comme une pure folie tous ces soins et toutes ces peines qu’on se donne pour un temps ou l’on ne sera plus.

Il en est d’autres qui ne regardent une femme et des enfants que comme un sujet de dépense, et, même parmi les célibataires les plus riches, il en est d'assez extravagants pour être tout glorieux de n’avoir point d’enfants, et qui se flattent d’en paraître plus riches, parce qu’ils auront peut-être entendu telle personne dire « M N est bien riche , » et telle autre personne répondre « Oui, sans doute, mais il a beaucoup d’enfants, » comme si cette circonstance diminuait d'autant sa fortune

Mais le motif qui porte le plus ordinairement au célibat, c’est