Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/88

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particulières, spéciales de la nature, non comme des lois générales et fondamentales qui constituent les formes. Cependant, il faut l’avouer, cette seconde méthode étant plus expéditive, plus à notre portée, nous laisse plus d’espérance de succès que la première. Or la partie active, qui répond à cette partie spéculative, peut bien étendre les opérations de l’homme de celles qu’on observe ordinairement dans la nature à celles qui les avoisinent, ou tout au plus à d’autres qui ne s’éloignent pas beaucoup de ces dernières ; mais toute opération profonde et radicale sur les corps naturels dépend des axiomes du premier ordre. Je dirai plus lorsque, l’exécution n’étant pas au pouvoir de l’homme, il est forcé de se contenter de la simple connaissance, comme dans toute recherche sur les corps célestes (car il n’est pas donné à l’homme de pouvoir agir sur les corps célestes, les changer ou les transformer), alors la recherche du fait même, de la simple vérité ou réalité de la chose, ne se rapporte pas moins que la connaissance des causes et des correspondances d’actions à ces axiomes primaires et universels qui ont pour objet les natures simples, telles que la nature de rotation spontanée, celle de l’attraction ou vertu magnétique, et autres semblables, qui sont bien plus communes que les corps célestes eux-mêmes, car, tant qu’on ne connaîtra pas bien la nature de la rotation spontanée, en vain espérerait-on se mettre en état, de décider quelle est la cause du mouvement diurne ; si c’est la révolution de la terre sur elle-même, ou le mouvement des cieux. VI Ce que nous entendons par le progrès caché est tout autre chose que ce qu’imagineront d’abord les hommes, abusés comme ils le sont par certaines préventions, car ce que nous désignons par ces mots, ce ne sont rien moins que certaines mesures, certains signes, certaines graduations ou échelles d’action visibles dans les corps, mais une action tout à fait continue et considérée dans toute sa continuité, qui échappe presque entièrement aux sens. Par exemple, dans toute génération et transformation de corps, il faut tâcher de démêler ce qui s’exhale et se perd d’avec ce qui reste ou vient du dehors, ce qui se dilate d’avec ce qui se contracte, ce qui s’unit d’avec ce qui se sépare, ce qui est continu d’avec ce qui est entrecoupé, ce qui donne l’impulsion d’avec ce qui gêne ou empêche le mouvement, ce qui domine d’avec ce qui est dominé, et une infinité d’autres différences de cette nature. Et ces différences, ces circonstances, ce n’est pas seulement dans la génération ou la transformation des corps qu’il faut lâcher de les déterminer, mais, de plus, dans toutes les autres espèces d’allitération et de mouvements, il faut tâcher de distinguer ce qui