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Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/91

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VIII Et nous n’irons pas pour cela nous perdre dans les atomes, dont l’existence suppose le vide et une matière immuable (deux hypothèses absolument fausses), mais notre marche ne nous conduira qu’aux particules véritables de la matière et telles que nous les trouvons dans la nature. Il ne faut pas non plus se laisser trop aisément rebuter par les difficultés d’une analyse si délicate et si détaillée, mais au contraire se bien persuader que plus, dans ce genre d’étude, on tourne son attention vers les natures simples, plus aussi tout s’éclaircit et s’aplanit, puisqu’alors on passe du composé au simple, de l’incommensurable au commensurable, des raisons sourdes aux raisons déterminables, des notions vagues et indéfinies aux notions définies et certaines, comme on fait lorsqu’en apprenant à lire on épelle, ou lorsqu’en étudiant un concerto on le décompose en ses tons élémentaires, car l’étude de la nature marche fort bien lorsque la partie physique, en finissant, vient tomber dans les mathématiques. Il ne faut pas non plus avoir peur des grands nombres ni des fractions, dans tout problème qu’on ne peut résoudre qu’à l’aide des nombres, il est aussi aisé de poser ou de concevoir un million qu’une unité, ou un millième qu’un entier.

IX Des deux genres d’axiomes ou de principes que nous avons posés ci-dessus se tire la vraie division des sciences et de la philosophie[1], en attachant à ceux d’entre les termes reçus qui rendent le moins mal notre pensée la signification précise que nous y attachons nous-mêmes en sorte que la recherche des formes qui sont, quant à leur marche et à leur loi, éternelles et immuables, constitue la métaphysique, et la recherche tant des causes matérielles et efficientes que du progrès caché et de la texture secrète (lesquelles choses ont trait au cours ordinaire de la nature, et non à ses lois fondamentales et éternelles) constitue la physique. À ces deux parties théoriques sont subordonnées deux parties pratiques, savoir à la physique la mécanique, et à la métaphysique la magie (en prenant ce nom dans le sens philosophique), parce qu’elle ouvre à l’homme des routes plus spacieuses et l’élève à un plus grand empire sur la nature.

X Ainsi, le but de la véritable science étant désormais bien fixé, il faut passer aux préceptes, et cela sans troubler ni renverser l’ordre naturel.

Or les indications qui doivent nous diriger dans l’interprétation de la nature comprennent en tout deux parties. Le but de la première est de déduire ou extraire de l’expérience les axiomes, et

  1. Voyez pour cette division le De augmentis, lib III, c 4, 5