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ETIENNE PASCAL ET ROBERVAL A FERMAT

l’hypothèse de l’attraction, la question de la gravitation était à l’ordre du jour dans le monde savant. Ainsi, l’année même où Fermat rédigeait sa Propositio Geostatica il parut sur le même sujet un ouvrage de Beaugrand qui fit quelque bruit dans l’entourage de Mersenne : Geostatice seu de vario pondere gravium secundum varia a Terræ centra intervalla dissertatio mathematica. Paris, 1636. L’ouvrage était mauvais, et il fut vivement attaqué par Descartes[1]. Ce dernier s’est d’ailleurs occupé lui-même à plusieurs reprises des hypothèses de la géostatique, comme en fait foi sa correspondance avec Mersenne (Voir en particulier une lettre de 1635 Œuv. de Descartes, I, p. 824, et une lettre de 1638, ibid. II, p. 222).

Etienne Pascal et Roberval inclinent à penser, comme Kepler, que la pesanteur n’est pas une qualité interne résidant dans les corps et qu’elle s’explique par les lois du mouvement attractif. Cette vue fut développée plus tard par Roberval dans l'Aristarchi Samii De Mundi Systemate qui parut en 1644.

Mais, ce qui est surtout remarquable dans la lettre des deux savants, c’est la clairvoyance avec laquelle ils dégagent les contradictions impliquées par les axiomes que Fermat (avec la plupart des mécaniciens du temps) regardait comme évidents. C’est toute une conception de la statique qui est mise en cause, ainsi que le montre M. Duhem dans sa belle étude sur Les Origines de la Statique (Tome II, 1906, pp. 169-177 et passim).

Fermât s’appuie sur la loi de l’équilibre du levier découverte par Archimède. Mais il oublie que cette loi n’est valable que lorsque les forces appliquées aux deux extrémités du levier sont des forces parallèles : il en fait encore usage dans l’hypothèse où les forces se rencontrent au centre de la terre, et même dans l’hypothèse où elles sont directement opposées. Ce paralogisme, qui conduit Fermat à de graves erreurs,

  1. Voir les Œuvres de Descartes, éd. Adam-Tannery, en particulier l’Addition au tome V, pp. 503-512.