Page:Œuvres de Blaise Pascal, I.djvu/367

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ADVIS 31i

dans les mesures et proportions que par les règles de la Théorie je luy prescrivois : il est de mesme absolu- ment impossible à tous les simples artisans, si ha- biles qu'ils soient en leur art, de mettre en perfection une pièce nouvelle, qui consiste — comme celle-cy — en mouvemens compliquez, sans l'aide d'une per- sonne qui, par les règles de la Théorie, lui donne les mesures et les proportions de toutes les pièces dont elle doit estre composée.

Cher LECTEUR, j'ay sujet particulier de te donner ce dernier advis, après avoir veu de mes yeux une fausse exécution de ma pensée faite par un Ouvrier de la Ville de Rouen, Horloger de profession, lequel, sur le simple récit qui luy fut fait de mon premier modelle que j'avois fait quelques mois auparavant, eut assez de hardiesse pour en entreprendre un autre, et, qui plus est, par une autre espèce de mou- vement; mais comme le bonhomme n'a autre talent que celuy de manier adroitement ses outils, et qu'il ne sçait pas seulement si la Géométrie et la Méca- nique sont au monde, aussy (quoyqu'il soit très habile en son Art, et mesme tres-industrieux en plusieurs choses qui n'en sont point) ne fit-il qu'une pièce inutile, propre véritablement, polie et très-bien limée par le dehors, mais tellement imparfaite au dedans qu'elle n'est d'aucun usage; et toutefois, à cause seulement de sa nouveauté, elle ne fut pas sans estime parmy ceux qui n'y cognoissoient rien, et nonobstant tous les deffauts essentiels que l'espreuve y fait reconnoistre, ne laissa pas de trouver place

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