Page:Œuvres de Blaise Pascal, I.djvu/74

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Bourbonnois, par l’Intendant qui le demanda. Depuis ce temps là, il demeura en Auvergne où il pratiqua toutes sortes de bonnes œuvres : il estoit surtout fort zelé pour le soulagement des pauvres[1]. Trois ans avant sa mort, il eut une grande maladie durant laquelle il fit son testament, et il pria ma mere qu’elle comptat les pauvres parmi ses enfans, et qu’elle leur donnat autant qu’à un d’eux ; ma mere y consentit, et cela fut executé. Le lendemain, il m’appela en particulier, et il me commanda d’aller chercher dans sa poche, disant que j’y trouverois quelque chose au fond, que je le prisse pour le fermer à clef, et que s’il venoit à mourir je le jetasse dans la fosse, et que si Dieu lui rendoit la santé, je luy rendrois ; et il me defendit d’en parler à ma mere, ni à personne au monde. J’y allay, et je trouvay une ceinture de fer pleine de pointes[2]. Quand il fut gueri, je la luy rendis et n’en parlay point ; mais comme trois ans apres il mourut subitement, on la trouva sur luy, et je la garde precieusement.

Voilà la vie qu’il a mené jusqu’à sa mort, qui arriva le 23 fevrier 1672, ayant soixante sept ans. Nous apprimes aprez sa mort qu’il mettoit toujours un ais dans son lit, et c’estoit sans doute la raison pour laquelle il ne vouloit pas qu’on fit son lit, et le faisoit toujours luy mesme. Deux jours avant sa mort, il fit une action qui merite d’estre escrite.

Il y avoit à Clermont un tresorier de France dont la

  1. M. Lefranc a relevé dans le répertoire de Depping (Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, t. II, 1851, p. 103), la notice suivante de la fin de 1663 : « Perier, âgé de 55 ans, homme de bien, dévot ; ce n’est pas un homme de grand génie et duquel on puisse espérer grand service ».
  2. Cf. Vie de Blaise Pascal par Mme Perier, infra, p. 69.