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ŒUVRES

la mettre en parallele avec l’instinct des animaux, puisqu’on en oste la principale difference, qui consiste en ce que les effects du raisonnement augmentent sans cesse, au lieu que l’instinct demeure toujours dans un estat egal ? Les ruches des abeilles estoient aussy bien mesurées il y mille ans qu’aujourd’hui, et chacune d’elles forme cet hexagone aussy exactement la premiere fois que la derniere. Il en est de mesme de tout ce que les animaux produisent par ce mouvement occulte. La nature les instruit à mesure que la necessité les presse ; mais cette science fragile se perd avec les besoins qu’ils en ont : comme ils la receoivent sans estude, ils n’ont pas le bonheur de la conserver ; et toutes les fois qu’elle leur est donnée, elle leur est nouvelle, puisque, la nature n’ayant pour objet que de maintenir les animaux dans un ordre de perfection bornée, elle leur inspire cette science necessaire, toujours egale, de peur qu’ils ne tombent dans le deperissement, et ne permet pas qu’ils y adjoustent, de peur qu’ils ne passent les limites qu’elle leur a prescrites. Il n’en est pas de mesme de l’homme, qui n’est produit que pour l’infinité. Il est dans l’ignorance au premier aage de sa vie ; mais il s’instruit sans cesse dans son progrez : car il tire advantage non-seulement de sa propre experience, mais encore de celle de ses predecesseurs, par ce qu’il garde tousjours dans sa memoire les cognoissances qu’il s’est une fois acquises, et que celles des anciens luy sont toujours presentes dans les livres qu’ils en ont laissés. Et comme il conserve ces co-