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Page:Œuvres de Blaise Pascal, II.djvu/226

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210 ŒUVRES

mesmes, par ce qu'ils composent un corps divisé, dont les membres contraires les uns aux autres se déchi- rent intérieurement au lieu que ceux qui favorisent le vuide demeurent dans une unité toujours égale à elle mesme, qui, par ce moyen, a tant de rapport avec la vérité qu'elle doit estre suivie, jusqu'à ce qu'elle nous paraisse à descouvert \ Car ce n'est pas dans cet embarras et dans ce tumulte qu'on doit la chercher ; et l'on ne peut la trouver hors de cette maxime, qui ne permet que de décider des choses évidentes, et qui défend d'assurer ou de nier celles qui ne le sont pas^. C'est ce juste milieu et ce parfait tempérament dans lequel vous vous tenez avec tant d'avantage, et oii, par un bonheur que je ne puis assez reconnoistre, j'ay esté toujours élevé avec une méthode singulière et des soins plus que paternels. Voilà, Monsieur, quelles sont les raisons qui m'ont retenu, que je n'ay pas creu vous devoir cacher da- vantage; et, quoy qu'il semble que je donne celle cy plus tost à mon interest qu'à vostre curiosité, j'espère

��1. Cf. Pensées, Ms. p. 278, Sect. IV, fr. 260: « Ils se cachent dans la presse, et appellent le nombre à leur secours. Tumulte. », et p. 275, Sect. XIV, 262 : « L'Eglise a toujours esté combatue par des erreurs contraires. Mais peut estre jamais en mesme temps comme à présent. Et si elle en souffre plus à cause de la multipli- cité d'erreurs, elle en reçoit cet avantage qu'elles se détruisent. »

2. Allusion à la première règle de la méthode de Descartes, dont Pascal avait peut-être déjà rencontré la formule dans la Philosophie morale des Stoîques par Guillaume du Vair : « Nous devons consentir à ce qui est évidemment vray, nier ce qui est évidemment faux, et ces choses douteuses surseoir nostre jugement jusqu'à ce que nous trouvions quelque raison qui nous en asseurc » (Ed. iCo3, p. 55).

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