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PREMIÈRE NARRATION DE ROBERVAL SUR LE VIDE

p. 126-145), rien n’est plus significatif que de rencontrer, dans le Discours du Vuide, mêlées à l’éloge des expériences de Pascal, des considérations générales, comme celles-ci : « Quoy que les expériences de Mr Pascal nous paroissent nouvelles, il y a de l’apparence qu’elles ont esté autres fois pratiquées, et que plusieurs anciens (En marge : Democrite, Leucipe, Diodore, Epicure, Lucrèce) ont prins de là sujet de maintenir qu’il y pouvoit avoir du Vuide en la Nature, voire mesme qu’il en estoit un principe ; mais ceux qui depuis ont asseuré le contraire se sont contentez de suivre leur raisonnement qui n’estant point fondé sur la certitude des sens se trouve à présent renversé par leur déposition. Mais quand bien elles seroient nouvelles, cette nouveauté leur seroit advantageuse, les premières fleurs du Printemps sont les plus agréables, et les prémices des fruicts estoient autresfois le partage sacré que Dieu se reservoit. Ce n’est pas que si elles n’avoient d’autre recommandation que celle de la nouveauté, je creusse estre obligé d’en faire plus d’estime que des choses communes quand elles sont utiles… Mais il n’en est pas ainsi des expériences de Mr Paschal ; ceux qui sont Philosophes ne les peuvent voir sans admiration, et ceux qui ne le sont pas le deviennent en les considérant. En elles on voit un petit raccourci du monde, dans lequel tenans les démons enfermez entre nos mains et à nostre disposition, ils donnent à connoistre ce qu’ils sont et ce qu’ils peuvent faire. On y remarque aisément la densité et la rareté de leur substance, leur légèreté et leur pesanteur, leur promptitude et leur tardiveté ; on y apperçoit l’air cet admirable élément, sans lequel on ne peut vivre un moment, qui se trouve par tout, et qui ne se voit nulle part ; qui tout invisible qu’il est, a plus de puissance que toutes les machines du monde puis qu’il porte si promptement d’un bout du monde en l’autre ces grandes maisons flottantes avec leurs pesantes charges, et qui souvent aussi les renverse, et dont la violence fait des montagnes sur la mer, et des abysmes dans la terre. Je diray bien d’avantage : on y remarque ce brave néant contre lequel tant