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ŒUVRES

pour prendre la liberté de vous escrire, et que vous ne la trouveriez pas mauvaise quand il s’agiroit de quelque curieuse expérience. J’ay eu l’honneur de vous voire chez vous, et peut-estre sere-je assez heureux pour ne vous estre pas tout à fait inconnu. Sy j’avois creu que le R. Père Niceron eut esté à Paris, je me serois donné l’honneur de luy adresser ma lettre, et l’aurois prié de vous la communiquer ; mais je croy selon ce qu’on m’a escript qu’il est à Nevers[1], et pour ne vous pas amuser davantage en discours, je vous dire qu’il y a icy un Capucin nommé le P. Valeriano Magni[2], qui fait imprimer une philosophie dans laquelle il dit que le vuide se peut trouver en la Nature, et le prouve par l’expérience suivante qu’il a faite en la présence du Roy et de la Reyne où quantité de personnes ont esté appelée qui ont bien dit toutes les raisons de l’escole, mais qui n’ont peu rendre de bonnes raisons des objections que ce Capucin faisoit pour maintenir son opinion dont voicy le fait.

« Il prend une canne en sarbatane de cristal de la longueur d’environ cinq pieds qui est fermée du mesme vaire par l’un des bouts de sorte qu’elle n’a qu’une entrée. Il la remplit toute de vif argent ; l’ayant toute remplie, il bouche l’entrée avec un de ses doigts, et puis la renverse pour porter ce bout qu’il tient fermé de son doigt dans une escuëlle que pour cet effet il a auprez de luy plaine du mesme mercure, et laquelle est encore au fond d’une tinette ou chauderon plain d’eau. Plongeant donc sa main ensemble le bout de la sarbatane premièrement dans l’eau et puis dans le mercure qui est dans

  1. Dans la Vie du Père Mersenne, Paris, 1649 (p. 24) le P. Hilarion de la Coste fait bien mention d’un Minime de ce nom, Iean François Niceron, dont Mersenne publia l’œuvre posthume : Thaumaturgus opticus; mais le P. Niceron était mort à Aix le 22 septembre 1646.
  2. Capucin milanais ; il était né vers 1587, de la maison des comtes de Magni, comme dira Pascal lui-même dans la Quinzième provinciale. Il était alors chef des Missions du Nord, il mourut à Salzburg, en 1661.