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Page:Œuvres de Blaise Pascal, III.djvu/101

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RELATION DE JACQUELINE PASCAL 85

m'y rendre, que je n'osay jamais agir dans tout cela, et si je l'ay fait quelquefois, c'a esté dans le premier mou- vement et dans la chaleur, et j'avoue avec confusion que c'a esté en suivant les mouvemens de mon propre esprit et de cette malheureuse nature que tous les soins de nos Mères n'avoient encore peu entièrement mortifier.

Toute cette affaire ne peut neantmoins estre entièrement terminée qu'après trois ou quatre entreveuës, dont je ne manquois point d'aller rendre compte à nos Mères • ce qui me donnoit occasion de les voir souvent, et d'admirer le soin continuel qu'elles avoient que tout cela se traittast selon Dieu\ Car à chaque fois que je veoyois la Mère

��I. « Et selon les règles de la parfaite charité. Je ne puis assez vous dire, ma chère mère, combien cela paroissoit en toute occasion. Je prie Dieu de ne pas permettre que je l'oublie jamais, car je puis dire avec vérité que j'ay plus esté instruite de leur procédé que de beau- coup des meilleurs sermons que j'aye oûys sur ces matières.

« Mais ce qui estoit admirable, c'était de veoir la diversité de la con- duite que le mesme Esprit saint qui les animoit tous leur inspiroit • car nostre Mère, prenant avec raison l'interest de la Maison, faisoit paroistre que son intention principale estoit d'empescher qu'il ne se meslast en toute cette affaire la moindre ombre d'interest, d'avarice ou de lascheté, et enfin elle ne tondoit qu'à faire qu'on souffrit plus tost toute sorte d'injustice que de faire la moindre chose tant soit peu contraire au véritable esprit de religion, M. Singlin, comme père commun et de la Maison et de mes proches, dont quelques uns sont entièrement sous sa conduite, et les autres l'honorent infiniment et ont pour luy une afiection extrême, estoit de telle sorte animé du zèle de nostre Mère au regard de la Maison, qu'il estoit aussy touché de compassion pour eux, et ne s'alfligeoit pas moins de l'injustice de leur procédé qu'il ne se rejouissoit de l'avantage qu'il estimoit en re- venir au monastère. La Mère Agnès sembloit se descharger sur eux deux de ces deux interests et ne s'occupoit principalement qu'à faire profiter sa novice de tout ce qui se passoit ; car à chaque fois que je la voïois elle examinoit soigneusement ce que je luy rapportois pour me faire remarquer tout ce qu'il y avoit eu d'humain dans mon pro- cédé ou qui sentoit l'esprit du'monde. Et par une charité infatiguable elle ne cessoit de faire tous ses efforts pour prévenir par ses avis les

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