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ŒUVRES

tous costez par le poids de l’Air qui l’environne, excepté en la partie qui est dans la bouche de l’enfant ; et c’est pourquoy, aussi tost que les muscles de la respiration font une place plus grande dans le corps de l’enfant, comme on vient de dire, et que rien ne touche le bout de la mamelle que l’Air du dehors, l’Air du dehors qui a plus de force et qui la comprime, pousse le lait par cette ouverture, où il y a moins de resistance : ce qui est aussi necessaire et aussi naturel que quand le lait sort, lorsqu’on presse le tetton entre les deux mains.


IX
Que la pesanteur de la masse de l’Air est cause de l’attraction de l’Air qui se fait en respirant.

Et par la mesme raison, lorsqu’on respire, l’Air entre dans le poulmon parce que quand le poulmon s’ouvre, et que le nez et tous les conduits sont libres et ouverts, l’Air qui est à ces conduits, poussé par le poids de toute sa masse, y entre et y tombe par l’action naturelle et necessaire de son poids ; ce qui est si intelligible, si facile, et si naïf[1], qu’il est étrange qu’on ait esté chercher l’horreur du vuide, des qualitez occultes, et des causes si éloignées et si chimeriques, pour en rendre la raison, puisqu’il est aussi naturel que l’air entre et tombe ainsi dans le poulmon à mesure qu’il s’ouvre, que du vin tombe dans une bouteille quand on l’y verse.

  1. Naïf, exactement synonyme de naturel, comme chez Montaigne.