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ŒUVRES

Ce n’est pas que ny Heron[1], ny ces Auteurs, ny ces Artisans, et encore moins les Philosophes, ayent poussé ces épreuves bien loing ; car s’ils avoient essayé d’attirer l’eau seulement à 40. pieds, ils l’auroient trouvé impossible ; mais c’est seulement qu’ils ont veu des Pompes aspirantes et des Siphons de six pieds, de dix, de douze, qui ne manquoient point de faire leur effet, et ils n’ont jamais veu que l’eau manquast d’y monter dans toutes les épreuves qu’il leur est arrivé de faire. De sorte qu’ils ne se sont pas imaginez qu’il y eût un certain degré après lequel il en arrivast autrement. Ils ont pensé que c’estoit une necessité naturelle, dont l’ordre ne pouvoit estre changé ; et comme ils croyoient que l’eau montoit par une horreur invincible du vuide, ils se sont assurez qu’elle continuëroit à s’élever, comme elle avoit commencé sans cesser jamais ; et ainsi tirans une consequence de ce qu’ils voyoient à ce qu’ils ne voyoient pas, ils ont donné l’un et l’autre pour également veritable.

Et on l’a crû avec[2] tant de certitude, que les Philosophes en ont fait un des plus grands principes de leur science, et le fondement de leurs Traittez du vuide : On le dicte tous les jours dans les Classes et dans tous les lieux du monde, et depuis tous les

    deux corps de pompe, il pensait élever l’eau à soixante pieds (Duhem, Revue générale des Sciences, 15 sept. 1906, p. 778).

  1. Allusion au Spiritalium liber dont Commandin avait publié la traduction latine en 1575. Vide supra, t. II, p. 318.
  2. 1663 : par erreur, imprime autant.