Page:Œuvres de Blaise Pascal, III.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LETTRE DE PASCAL A LA REINE CHRISTLNE DE SUÈDE 33

veilleuse qui fait que comme Vostre Majesté ne veoit rien qui soit au dessus de sa puissance, elle ne veoit rien aiissy qui soit au dessus de son esprit, et qu'elle sera l'admiration de tous les siècles qui la suivront, comme elle a esté l'ouvrage de tous les siècles qui l'ont précédée. Régnez donc, incomparable prin- cesse, d'une manière toute nouvelle ; que vostre génie vous assujettisse tout ce qui n'est pas soumis à vos armes : régnez par le droit de la naissance, durant une longue suite d'années, sur tant de triomphantes provinces ; mais régnez toujours par la force de vostre mérite sur toute l'estendue de la terre. Pour moy, n'étant pas né sous le premier de vos empires, je veux que tout le monde sache que je fais gloire de vivre sous le second ; et c'est pour le tesmoigner, que j'ose lever les yeux jusqu'à ma Reyne, en luy donnant cette première preuve de ma dépendance. Voilà, Madame, ce qui me porte à faire à Vostre Majesté ce présent, quoy que indigne d'elle. Ma foi- Messe n'a pas estonné mon ambition. Je me suis figuré qu'encore que le seul nom de Vostre Majesté semble esloigner d'elle tout ce qui luy est dispro- portionné, elle ne rejette pas neantmoins tout ce qui luy est inférieur ; autrement sa grandeur seroit sans hommages et sa gloire sans éloges. Elle se contente de recevoir un grand effort d'esprit, sans exiger qu'il soit l'effort d'un esprit grand comme le sien. C'est par cette condescendance qu'elle daigne entrer en communication avec les autres hommes ; et toutes ces considérations jointes me font luy protester avec

III — 3

�� �