Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/135

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ENTRETIEN AVEC SACI 31

admirable, enfin estant touché de Dieu, soumit cet esprit si elevé au doux joug de Jesus-Christ, et ce cœur si noble et si grand embrassa avec humilité la penitence. Il vint à Paris se jetter entre les bras de M. Singlin, resolu de faire tout ce qu’il luy ordonneroit.

M. Singlin crut, en voyant ce grand genie, qu’il feroit bien de l’envoyer à Port-Royal des Champs, où M. Arnauld luy presteroit le collet en ce qui regarde les 1 autres sciences, et où M. de Sacy luy apprendroit à les mespriser. Il vint donc demeurer à Port-Royal. M. de Sacy ne put se dispenser de le voir par honnesteté, surtout en ayant esté prié par M. Singlin ; mais les lumieres saintes qu’il trouvoit dans l’Ecriture et dans les Peres luy firent esperer qu’il ne seroit point eblouy de tout le brillant de M. Pascal, qui charmoit neanmoins et qui enlevoit tout le monde.

Il trouvoit en effet tout ce qu’il disoit fort juste. Il avouoit avec plaisir la force de son esprit et de ses discours. Mais il n’y avoit rien de nouveau : tout ce que M. Pascal luy disoit de grand, il l’avoit veu avant luy dans Saint Augustin; et, faisant justice à tout le monde, il disoit : « M. Pascal est extremement estimable en ce que, n’ayant point leu les Peres de l’Eglise, il avoit de luy-mesme, par la penetration de son esprit, trouvé les mesmes veritez qu’ils avoient trouvées. Il les trouve surprenantes, disoit-il, parce qu’il ne les a veües en aucun endroit ; mais pour nous, nous sommes accoutumez à les voir de tous costés dans nos livres. » Ainsi, ce sage ecclesiastique trouvant que les anciens n’avoient pas

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1. L’un des mss. [D] donne la leçon hautes, qui est peut-être une correction du texte de l’archétype, mais cette correction semble heureuse.