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QUATRIÈME PROVINCIALE 267

flexions d’esprit sur les qualitez bonnes ou mauvaises de ce que l’on fait! Mais est-il possible, mon Pere, qu’Aristote ait eu cette pensée? Car j’avois ouy dire que c’estoit un habile homme. Je m’en vas vous en éclaircir, me dit mon Janseniste. Et ayant demandé au Pere la Morale d’Aristote, il l’ouvrit au commencement du 3. livre 1 , d’où le P. Bauny a pris les paroles qu’il en rapporte, et dit à ce bon Pere : Je vous pardonne d’avoir creu sur la foy du P. Bauny, qu’Aristote ait esté de ce sentiment. Vous auriez changé d’avis si vous l’aviez leu vous mesme. Il est bien vray qu’il enseigne, qu’afin qu’une action soit volontaire, il faut connoistre les particularitez de cette action, singula in quibus est actio. Mais qu’entend-il par là, sinon les circonstances particulieres de l’action, ainsi que les exemples qu’il en donne le justifient clairement, n’en rapportant point d’autres que de ceux où l’on ignore quelqu’une de ces circonstances ; comme d’une personne qui voulant monstrer une machine en décoche un dard qui blesse quelqu’un; et de Merope, qui tua son fils en pensant tuer son ennemy, et autres semblables ?

Vous voyez donc par là quelle est l’ignorance qui rend les actions involontaires; et que ce n’est que celle des circonstances particulieres qui est appellée par les Théologiens, comme vous le sçavez fort bien mon Pere, l’ignorance du fait. Mais quant à celle du droit, c’est à dire, quant à l’ignorance du bien et du

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1. Cf. cette citation d’Aristote, supra p. 246.