Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/47

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INTRODUCTION XXIX

entre tous, celui où Pascal insiste sur le contraste entre sa première conversion et la seconde: en 1646, il éprouvait comme un sentiment immédiat l’appel de la grâce qui manifestait en lui l’évidence de l’action divine ; en 1654 au contraire, le retour à Dieu est, pour lui, le dénoûment d’une longue crise où sa raison se tendait vers Dieu, sans trouver pour lui répondre un sentiment qui exprimât le mouvement de Dieu même 1 . Ce texte capital, rapporté par le témoin le plus capable de lire dans la conscience religieuse de Pascal, contredit l’antithèse factice, fausse fenêtre pour la symétrie, que plusieurs historiens de Pascal ont établie entre la première conversion, conversion de tête où l’intelligence seule aurait été intéressée, et la seconde conversion qui aurait marqué la conquête définitive de la personne tout entière.

Il est vrai qu’en 1648 Pascal manifeste sa confiance dans « le raisonnement bien conduit » pour porter « à croire » ce qu’il faut d’ailleurs « croire sans l’aide du raisonnement 2 ». Mais l’attitude qu’il prend alors et qui se heurte à la défiance et à la froideur de M. de Rebours, c’est exactement celle qu’il prendra dans l’ Entretien avec M. de Saci, et sans beaucoup plus de succès, semble-t-il. Grâce à Fontaine, nous voyons se manifester directement, au lendemain de la conversion définitive, la « pensée de derrière la tête » qui donne à Pascal l’espoir de faire servir à l’intelligence de la vérité chrétienne les doctrines qui lui sont le plus opposées, comme elles sont opposées entre elles 3. La méditation simultanée d’Epictète et de Montaigne fait éclater la profondeur de la doctrine capable,


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1. Cf. infra p. 62.

2. Cf. supra T. II, p. 174.

3. Vide infra p. 55-56.