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DE L'ART DE PERSUADER 28o

la mesme chose douze cens ans auparavant*. En vérité je suis bien esloigné de dire que Descartes n'en soit pas le véritable auteur, quand mesme il ne l'auroit appris que dans la lecture de ce grand saint; car je sçay combien il y a de différence entre escrire un mot à l'aventure, sans y faire une reflexion plus longue et plus estendue, et apercevoir dans ce mot une suite admirable de conséquences, qui prouve la distinction des natures matérielle et spirituelle, et en

��I. Cf. Quatrièmes Objections (contre les Méditations métaphysiques de René Descartes) faites par Monsieur Arnauld, Docteur en Théologie. De la nature de l'Esprit humain : « La première chose que je trouve icy digne de remarque, est de voir que Monsieur Descartes establisse pour fondement et premier principe de toute sa philosophie, ce qu'avant luy Saint Augustin, homme de très-grand esprit et d'une sin- gulière doctrine, non seulement en matière de Théologie, mais aussi en ce qui concerne l'humaine philosophie, avoit pris pour la base et le soutien de la sienne. Car, dans le livre second du libre arbitre, chap. 3, Alipius disputant avec Evodius, et voulant prouver qu'il y a un Dieu : Premièrement, dit-il, je vous demande, afin que nous commencions par les choses les plus manifestes, sçavoir: si vous estes, ou si peut estre vous ne craignez point de vous méprendre en répon- dant à ma demande, combien qu'à vray dire si vous n'estiez point, vous ne pourriez jamais estre trompé. » Ausquelles paroles reviennent celles-cy de notre auteur : « Mais il y a un je ne sais quel trompeur tres-puissant et tres-ruzé, qui met toute son industrie à me tromper tousjours. Il est donc sans doute que je suis, s'il me trompe. » — Cf. la lettre qu'Arnauld adressa, sans se nommer, à Descartes, le 3 juin 16/48 : Qux de mentis à corpore distinctione disseruisti, certe clara, perspicua, dioina mihi videntur, atque ut veritate nihil antiquius, eodem fere a S. Augustino, toto pêne libro 10 de Trinitate, sed maxime capite 10, luculenter esse disputata non sine magna voluptate percepi (édition citée, T. V, p. 186). La lettre parut en lôôg, comme anonyme, au tome II de l'édition française des Lettres de Descartes (trad. Clerselier), p. i5. — Il est remarquable d'ailleurs que la Logique de Port-Royal revient sur l'idée du Cogito pour l'attribuer à saint Augustin : a personne ne sauroit douter, comme dit saint Augustin, s'il est, s'il pense, s'il vit, etc. » (IV^ part., chap. i, 2*^ édit., p. 38o).

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