ce qu’il a écrit de cette matière ait esté perdu, ou qu’ayant ces pensées extremement presentes, il ait negligé de les écrire. Et comme par l’une et l’autre cause, le public s’en trouve également privé, il est venu dans l’esprit d’une personne, qui a assisté à trois discours assez courts, qu’il fit [1]à un enfant de grande condition ; et dont l’esprit, qui estoit extremement avancé, estoit déjà capable des veritez les plus fortes, d’écrire [2]sept ou huit ans apres, ce qu’il en a retenu. Or, quoy qu’apres un si long temps il ne puisse pas dire que ce soient les propres paroles, dont M. Paschal se servit alors, neantmoins tout ce qu’il disoit, faisoit une impression si vive sur l’esprit, qu’il n’estoit pas possible de l’oublier. Et ainsi il peut asseurer que ce sont au moins ses pensées et ses sentimens.
« Ces trois petits discours avoient pour but de remedier à trois défauts ausquels la grandeur porte d’elle-même ceux qui y sont nez. Le premier, de se méconnoistre eux-mesmes, de s’imaginer que tous ces biens dont ils joüissent leur estoient deus, et font comme partie de leur estre, ce qui fait qu’ils ne se considèrent jamais dans l’egalité naturelle avec tous les autres hommes.
« Le second est, qu’ils se remplissent tellement de ces avantages exterieurs dont ils se trouvent maistres, qu’ils n’ont aucun egard à toutes les qualitez plus réelles et plus estimables, qu’ils ne taschent point de les acquerir, et qu’ils s’imaginent que la seule qualité de Grand merite toute sorte de respect, et n’a pas besoin d’estre soutenue par celles de l’esprit et de la vertu.
« Le troisiéme est que la condition des Grands estant jointe à la licence et au pouvoir de satisfaire ses inclinations, elle en engage plusieurs dans des emportemens déraisonnables et des déreglemens bas. De sorte, qu’au lieu de mettre leur grandeur à servir les hommes ils la font consister à les traitter avec outrage et à s’abandonner à toutes sortes d’exces.