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Page:Œuvres de Blaise Pascal, IX.djvu/390

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370 OEUVRES

dans la chambre des Princes. C'est une sottise et une bassesse d'esprit que de leur refuser ces devoirs.

Mais pour les respects naturels, qui consistent dans l'estime, nous ne les devons qu'aux Grandeurs naturelles, et nous devons au contraire le mépris et l'aversion aux qualitez contraires à ces Grandeurs naturelles. Il n'est pas nécessaire, parce que vous estes Duc, que je vous estime; mais il est nécessaire que je vous saluée Si vous estes Duc et honneste homme, je rendray ce que je dois à l'une et à l'autre de ces qualitez. Je ne vous refuseray point les cérémonies que mérite vostre qualité de Duc, ny l'estime que mérite celle d'honneste homme. Mais si vous estiez Duc sans estre honneste homme, je vous ferois encore justice ; car en vous rendant les devoirs extérieurs que l'ordre des hommes a attachez à vostre naissance, je ne manquerois pas d'avoir pour vous le mépris intérieur que meriteroit la bassesse de vostre esprit.

Voila en quoy consiste la justice de ces devoirs. Et l'injustice consiste à attacher les respects naturels aux Grandeurs d'établissement, ou à exiger les respects d'établissement pour les Grandeurs naturelles. Mon- sieur N. est un plus grand Géomètre que moy ; En cette qualité il veut passer devant moy ; je luy diray qu'il n'y entend rien. La Géométrie est une grandeur naturelle, elle demande une préférence d'estime, mais les hommes n'y ont attaché aucune préférence extérieure. Je passeray donc devant luy, et l'estimeray plus que moy en qualité de Géomètre. De mesme si estant Duc et Pair vous ne vous contentez pas que je me tienne découvert devant vous, et que vous voulussiez encore que je vous estimasse,

��I. Voir Montaigne de l'Art de conférer (III, viii) et particulière- ment le texte que nous avons cité, Pensées, T. II, p. 3o8, n. i.

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