Page:Œuvres de Blaise Pascal, V.djvu/152

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136 ŒUVRES

me contraindre ; car il ne les continueroit pas s’il s’appercevoit que j’en fusse si choqué ; et ainsi je ne pourrois m’acquiter de la parole que je vous ay donnée de vous faire sçavoir leur morale. Je vous assure que vous devez compter pour quelque chose la violence que je me fais. Il est bien penible devoir renverser toute la morale Chrestienne par des egaremens si etranges, sans oser y contredire ouvertement. Mais apres avoir tant enduré pour vostre satisfaction, je pense qu’à la fin j’eclateray pour la mienne, quand il n’aura plus rien à me dire. Cependant je me 1 retiendray autant qu’il me sera possible: car plus je me tais, plus il me dit de choses. Il m’en apprit tant la derniere fois, que j’auray bien de la peine à tout dire. Vous verrez 2 que la bourse y a esté aussi mal menée, que la vie le fut l’autre fois. Car de quelque maniere qu’il palie ses maximes, celles que j’ay à vous dire ne vont en effet qu’à favoriser les Juges corrompus, les Usuriers, les Banqueroutiers, les Larrons, les femmes perduës, et les sorciers qui sont tous dispensez assez largement de restituer ce qu’ils gagnent chacun dans leur mestier. C’est ce que le bon Pere m’apprit par ce discours.

Dés le commencement de nos entretiens, me dit-il, je me suis engagé à vous expliquer les maximes de nos auteurs pour toutes sortes de conditions. Vous

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1. P. [tiendray].

2 . B. [des principes bien commodes pour ne point restituer] . Car...; W. in his quæ affero satis opportuna retinendis maie partis decreta perspicies.