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DIXIÈME PROVINCIALE. — INTRODUCTION 223

Art. XXI. Que ceux-mesmes qui tiennent l’Attrition suffisante ne croyent pas cette opinion si seure, qu’ils ne jugent qu’il y a du peril à se contenter à la mort de la seule Attrition avec le Sacrement.

p. 64. Voicy les paroles de Suarez 1 : Encore que ce soit une opinion probable que l’Attrition, qu’on reconnoist n’estre point Contrition, suffit avec le Sacrement pour la justification, toutefois elle n’est pas certaine, et peut estre fausse. Que si elle est fausse, comme il se peut faire quelle l’est, elle ne suffit pas pour sauver un homme. Donc celuy qui sciemment se laisse mourir ainsi, s’expose volontairement au peril moral de la damnation eternelle. Car lors qu’il y a un doute moral, il y a un peril moral, principalement en une chose si importante. Or il y a icy un doute moral, puisque cette opinion n’est ny fort ancienne ny fort commune. Et certes, il semble que la Charité oblige l’homme à n’avoir pas si peu de soin de son salut eternel, que de s’exposer à un si grand peril; Et qu’ainsi, il est obligé de faire ce qui est en luy, et de s’efforcer d’avoir la contrition.

Et il adjouste en suitte : Que cette opinion de la necessité de la Contrition à l’article de la mort, fondée sur ces raisons, luy a tousjours paru fort probable, et luy semble telle encore maintenant.... Licèt sit probabilis opinio, attritionem cognitam cum Sacramento sufficere ad justificationem, tamen non est certa, et potest esse falsa. Quod si fortasse in re ita est, probabilis illa existimatio non sufficit ut homo salvetur. Ergo qui sciens et videns ita se mori permittit, voluntariè exponit se periculo morali aeternse damnationis. Nam ubi est morale dubium, est morale periculum præsertim in re tam gravi : hic autem est morale dubium, cum illa opinio nec valde an tiqua, nec multum communis sit. [Neque habet locum hic distinctio de dubio practico, vel speculativo : nam quando dubium est de

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1. François Suarez, jésuite espagnol (1548-1617), fameux théologien qui enseigna à Paris, à Valladolid, à Rome, à Alcala et à Salamanque. — Le texte de Suarez a été collationné sur l’édition de ses Œuvres publiée à Venise en 1740.