Page:Œuvres de Blaise Pascal, V.djvu/416

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400 ŒUVRES

Extrait d’une lettre de Mlle de Rouannez à sa Mère.

Juillet 1657.

....Je suis si asseurée de vostre pieté que je suis certaine que mon dessein ne peut vous donner aucune peine, si vous estes asseurée que c’est veritablement Dieu qui m’y a engagée, et je ne croy pas que vous en doutiez si vous en considerez le commencement et la suite. Vous sçavez, ma chere maman, qu’il n’y a aucune personne au monde qui m’en ait donné les premiers mouvemens ni qui y ait contribué de quelque manière que ce soit. Ce n’a esté ny sermon, ny livre, ny discours, et c’est tellement de la pure misericorde de Dieu que je tiens ma vocation qu’il n’y a peut-estre guere d’exemple où il ait fait si clairement paroistre qu’il peut, quand il luy plaist, se rendre maistre du cœur sans l’entremise des creatures. Je croy, ma chere maman, que les prieres que vous faisiez pour moy pendant que je ne pensois qu’au monde en ont esté une des principales causes. Continuez-les, je vous en prie, et reposez-vous en celuy en qui vous avez toujours esperé. Considerez, je vous en supplie, que je ne pourrois differer davantage sans me rendre criminelle et sans resister à Dieu qui m’appelle depuis si longtemps. J’ay attendu onze mois entiers ; j’ai fait un voyage de sept ou huit mois par complaisance pour mon frere qui m’y engagea pour eprouver ma vocation. Et enfin, après avoir decouvert mon dessein ouvertement, j’ay souffert huit jours de visites et de contradictions de toutes les personnes de ma connoissance qui ont employé pour ebranler ma resolution tout ce qu’elles avoient de tendresse pour moy et tout ce que j’en avois pour elles. Je rends graces à Dieu du peu de forces qu’elles ont eu ; mais j’eusse cru qu’il y eust eu de la temerité de demeurer davantage exposée, et mesme que je ne le pouvois plus avec bienseance, mon dessein estant si generalement connu....