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Page:Œuvres de Blaise Pascal, V.djvu/425

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EXTRAIT D’UNE LETTRE

DE BLAISE PASCAL A Mr ET A Mlle DE ROUANNEZ

II (olim: 4)

[24 Septembre 1656.]¹

...Il est bien assuré qu’on ne se detache jamais sans douleur. On ne sent pas son lien quand on suit volontairement celuy qui entraisne, comme dit Saint

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1. La date de cette lettre est donnée avec précision par la dernière phrase. — Un fragment du manuscrit des Pensées, f° 94 (fr. 498, T. II, p. 397) développe l’idée principale de cette lettre, parfois en des termes très semblables : « Il est vray qu’il y a de la peine, en entrant dans la pieté ; mais cette peine ne vient pas de la pieté qui commence d’estre en nous, mais de l’impieté qui y est encore. Si nos sens ne s’opposoient pas à la penitence, et que nostre corruption ne s’opposast pas à la pureté de Dieu, il n’y auroit en cela rien de penible pour nous. Nous ne souffrons qu’à proportion que le vice, qui nous est naturel, resiste à la grace surnaturelle; nostre cœur se sent dechiré entre des efforts contraires : mais il seroit bien injuste d’imputer cette violence à Dieu qui nous attire, au lieu de l’attribuer au monde qui nous retient. C’est comme un enfant, que sa mere arrache d’entre les bras des voleurs, doit aimer, dans la peine qu’il souffre la violence amoureuse et legitime de celle qui procure sa liberté, et ne detester que la violence impetueuse et tyrannique de ceux qui le retiennent injustement. La plus cruelle guerre que Dieu puisse faire aux hommes en cette vie est de les laisser sans cette guerre qu’il est venu apporter. Je suis venu apporter la guerre, dit-il, et, pour instruire de cette guerre : Je suis venu apporter le fer et le feu. Avant luy le monde vivoit dans cette fausse paix, » La comparaison avec la mère dont l’enfant est enlevé par des voleurs se trouve dans la lettre à Mr et à Mlle de Rouannez du 24 décembre. Cette Pensée ne serait-elle pas une rédaction antérieure à ces lettres ; ou Pascal a-t-il pensé que ce développement pourrait être utilisé dans l’ouvrage auquel il songeait déjà ?