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Page:Œuvres de Blaise Pascal, VI.djvu/124

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108 ŒUVRES

Cependant, mon Sauveur, tu sçay qu’en mesme tems

Les vierges qu’on employe à servir les enfans

Disputoient saintement pour luy rendre service;

Et ses compagnes mesme, imitant leur bonté,

Souffroient si doucement cette incommodité

Qu’on ne peut l’oublier sans leur faire injustice.


XII

Son teint defiguré, son oeil horrible à voir,

Son odorat perdu, sa parole affoiblie,

Faisoient à son abord aisement concevoir

La grandeur du peril qui menaçoit sa vie.

Mesme les medecins, consultez de nouveau,

Souhaitoient par pitié de la voir au tombeau,

N’esperant presque plus en l’industrie humaine.

Il luy falloit neuf fois faire sentir le feu,

Sans peut-estre pouvoir empescher que dans peu

Ce mal ne la rongeast ainsi qu’une cangrene.


XIII

Cependant la rigueur d’une triste saison

Nous tenant dans le froid d’un hiver assez rude,

On n’osoit travailler à cette guerison,

Attendant le beau tems avec inquietude.

Mais lorsque le soleil se rapprochant de nous

Nous rendit au printems un air tranquille et doux,

On resolut tenter cette cure incertaine.

Son pere ayant voulu qu’on l’en fist advertir,

Des lettres coup sur coup le pressent de partir ;

Car l’amour paternel veut qu’il ait cette peine.