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Page:Œuvres de Blaise Pascal, VI.djvu/142

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126 ŒUVRES

escu, ou de moindre prix, nonobstant la resistence de celuy, qui en est le possesseur, ou le gardien : je n’oserois pas condamner d’aucun peché, ny mesme à aucune peine celuy qui en la defendant, auroit tué cet injuste aggresseur, pourveu qu’il garde la moderation d’une juste defense. Remarquez, s’il vous plaist, cette dernière clause, pourveu qu’il garde la moderation d’une juste defense, qui est essentielle à la proposition de Molina, parce qu’elle presuppose que celuy qui est tué est l’aggresseur, et aggresseur injuste, et que celuy qui le tuë, ne peut autrement repousser la violence qu’il souffre, ni le danger où il se trouve de sa personne en voulant defendre son bien. Ce sont là les conditions d’une juste et innocente defense, que tous les Casuistes établissent, et qui justifient entierement la doctrine de cet Autheur. Car, pour en donner un exemple familier, c’est peu de chose qu’un lapin, si on le compare avec la vie d’un homme. Neantmoins si quelque insolent, entrant dans une garenne pour le prendre, vouloit forcer la resistence de celuy, qui est gagé pour le garder, et s’il l’attaquoit avec des armes, lors qu’il le veut empescher, condamneriez-vous celuy-cy s’il tuoit cet injuste aggresseur, ne pouvant autrement repousser la violence qu’il luy fait, ni éviter le peril où il est de perir luy-mesme dans cette rencontre? voudriez-vous que d’abord qu’il voit un homme avec des armes, il se retirast, et luy abandonnast ce qu’il est obligé de garder? ou que se mettant en devoir de l’empescher, il se laissast tuer luy-mesme, plustost que de commettre un homicide pour sauver sa vie? si cela est, il ne faut plus de gardes, ni dans les forests, ni dans les vignes, ni dans les garennes, et c’est en vain qu’on leur donne des gages, puisqu’il ne leur est pas permis de repousser la violence.

Voilà la pensée de Molina, qu’il avoit déjà assez expliquée au nombre quatriéme de la mesme dispute, disant que celuy qui defend son bien, defend à mesme temps sa propre personne, qu’il expose ordinairement au peril, et que c’est en ce sens qu’il faut entendre ces mots du Canon qu’il allegue, si sans aucun dessein ou mouvement de haine en defendant vostre personne